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Communiquer en écosystème

La Communication d'entreprise au temps des réseaux (Partie 1)

"La Communication au temps des réseaux " est  téléchargeable ici (Word)
1ère Partie  : les malheurs de la Pub

Y'a-t-il une vie après la publicité? Il faut l'espérer car elle va mourir. Du moins sous sa forme actuelle.  La communication d'entreprise n'aura même pas le temps de la pleurer, elle se sera déjà jetée dans les bras d'un autre, de plusieurs autres, même. Ce n'est pas la première révolution que connaît la communication  commerciale. Dans les années 20, Marcel Bleustein-Blanchet la fait passer de la réclame à la publicité. Il invente la scénarisation, les gimmicks, les ritournelles qui vont avec la radio ludique qu'il est en train de créer, Radio Cité. Il crée la forme qui va avec le nouveau média dominant : la radio. A la fin des trente glorieuses, Séguéla se fait le chantre d'une nouvelle forme de publicité. On est sorti d'un marché d'équipement  pour aller vers un marché de renouvellement. Il ne s'agit plus de dire : je suis un nouveau produit, un Frigidaire,  achetez-moi. Mais : je suis mieux que votre ancien modèle, remplacez-le. On est entré dans l'ère de la séduction publicitaire. Le Rire, le Rêve,le Risque, telle est la sainte trinité vue par le nouveau pape. Il faut faire aimer la pub, la faire accepter après Mai 68 qui a tant décrié la société de consommation. La faire percevoir comme une création à part entière, une activité pseudo artistique, un divertissement comme un autre pour le public. Le Nuit des Publivores réunit d'ailleurs tous ses afficion-ados mal grandis qui continuent de l'aimer candidement. Séguéla, c'est l'ère de la TV dominante. L'arrivée de l'internet est-elle une simple évolution d'adaptation au même titre que les précédentes ? Non. Pour la comprendre, il faut revenir avant le temps de la publicité, avant  la réclame, revenir avant même son ancêtre : l'annonce dans les journaux, avant les journaux.

Jusqu'au XIX ème siècle, on ne parlait pas d'image de marque, mais de réputation. Un producteur, maître artisan, était connu et reconnu pour la qualité de son travail. Il fallait plusieurs années, voire plusieurs générations, pour se constituer une telle réputation, bonne ou mauvaise, ou plutôt : pour que cette réputation se constitue, car on n'en était que l'objet, pas le sujet. La renommée se propageait à travers deux réseaux. Celui des pairs, des professionnels, des corporations (avant la Loi Le Chapelier, mars 1791).  Le Tour de France des Compagnons y jouait un rôle déterminant puisque l'information circulait essentiellement à dos d'homme. Le second réseau était déterminé par la clientèle, il se structurait selon les clivages de la société de l'époque, il en reproduisait les classes sociales. Il valait mieux être fournisseur du roi que du bailli. Elle pouvait s'entendre géographiquement jusqu'aux portes de la ville, dans tout le royaume, ou jusqu'à la cour de Russie.
L'arrivée de  la presse populaire de masse au XIXème siècle, puis des mass médias au XXème, va ruiner ce système des réputations  construites « naturellement ». Désormais, par une simple annonce parue dans un journal, un producteur peut se faire connaître instantanément du public, bien davantage et plus largement qu'un simple artisan qui aurait mis des années à construire sa notoriété. Pire, la notoriété vient supplanter la réputation. Or, elle est vide de sens, sans contenu. Pire encore, dans le système de réputation, ce sont les autres qui disent ce que je suis, qui évoluent mes qualités selon des critères qui sont les leurs. Avec l'annonce, il chante lui-même ses propres mérite. Les artisans de l'époque vivent très mal ce qu'ils prennent pour une véritable mystification. Pour eux, cette forme de communication est une imposture. Elle falsifie la relation entre producteur et consommateur. C'est déjà la porte ouverte à la publicité, y compris dans ses formes les plus pernicieuses et trompeuses.

Les mass médias vont renforcer encore l'impact de la publicité, d'abord avec la radio, qui lui apporte l'impression de proximité que donne la voix humaine, puis la télévision qui dominera le jeu grâce à la force de l'image.  Les 7 forces de la publicité sont en train de devenir ses 7 faiblesses.

Le public est traité comme une cible. La commucation est unidirectionnelle. On adresse un message à des interlocuteurs qui n'ont pour toute réponse que l'acte d'achat ou non. Le terme de cible indique d'ailleurs que les récepteurs ne sont que zones à bombarder de messages, c'est du vocabulaire militaire, celui qu'on utilise pour les frappes « chirurgicales ». Le public est réduit à sa dimension de consommateur, aux seules caractéristiques susceptibles de déclencher un acte d'achat. Tout l'enjeu de la publicité est de produire cet effet. Pour y parvenir, elle fait appel aux besoins primaires et les détourne de leur fonction. Elle cherche à descendre le seuil de conscience de ses cibles le plus près possible du niveau purement instinctif, réflexe.

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La force de la publicité repose sur la force des médias. Ceux du XXème siècle vont grandement servir servir ses intérêts. Ce sont des médias de diffusion avec une source unique qui arrose une cible de masse avec des messages standardisés. Le dispositif médiatique comme le contenu qu'il véhicule sont destinés à induire et à entretenir cette relation de dépendance passive (voir Le Vertige du Miroir). La consommation de masse va donc aves les médias de masse, la massification des messages et donc leur standardisation, qui correspond à la standardisation des produits industriels. On n'adapte pas les produits aux attentes du public, on adapte les goûts du public à ce que l'industrie est capable de produire en masse. La publicité est chargée de ce travail.

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Les règles du jeu sont devenues hétéronormées. Dans l'ancien système, le jeu des réputations se construisait sur relation directe entre producteurs et consommateurs : production de qualité → reconnaissance de la qualité de la production. Dans le système communicationnelle, la réputation n'est pas corrélée à la qualité ni à la satisfaction qu'on en retire, mais à la force de la pression médiatique. Le jeu est aux mains de professionnels de l'intermédiaire. Leurs productions médiatiques se sont autonomisées, elles répondent à leurs propres règles et modes de fonctionnement qu'ils imposent aux producteurs économiques, mais aussi politiques et sociaux. Le jeu échappe aux acteurs réels, ceux qui sont concernés directement par la communication, il est aux mains des médias. Les acteurs sont devenus objets de la communication dont ils sont supposés étre les sujets. C'est ce qui explique les distorsions et les conflits entre l'image médiatique construite et la réalité.


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La communication publicitaire est  soumise à la  domination du marketing. Celi-ci prétend représenter les besoins des clients-consommateurs. Or il n'en connaît au mieux que les mesures qu'il en fait. Et encore ! Faudrait-il en effet que les besoins pré-existent à leur prétendue révélation par le marketing, ce qui n'est vrai, au mieux,  que pour les marchés de renouvellement.  Le marketing ne peut mesurer ce qui est en train d'émerger, ce qui va emerger, ce qui est à inventer, c'est à dire qu'il ne sait rien des marchés à conquérir, il n'aide pas à voir l'avenir, il n'est qu'un rétroviseur. Il gouverne les suiveurs, pas les pionniers. Comme les sondages d'opinion, il mesure beaucoup moins  les attentes du public qu'il ne la fabrique en produisant des modèles et en les rendant publics.  Là où la communication pub est un détournement de la représentation du producteur ou de ses produits, le marketing est un détournement de la représentation du consommateur et de ses besoins.

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Sous prétexte d'efficacité, la publicité réduit toute communication à une formule abrupte de type : USP (Unique Selling  Proposal) : avantage distinctif qui fait vendre. Il s'agit d'appuyer sur un levier unique qui serait LA motivation d'achat. Un seul. Car proclame-t-on, "aucune annonce n'est assez grande pour contenir deux messages". Et cet avantage doit être distinctif, il doit permettre de se démarquer de la concurrence, de la supplanter, fut-ce en faisant appel à des qualités purement imaginaires. La publicité va jouer un rôle déterminant pour faire apparaître des différences d'image entre des produits standardisés que rien de permettrait de distinguer sinon. La rhétorique professée par Madison Avenue, La Mecque de la pub, repose sur une équation binaire : promesse/support de promesse.  Tel médicament supprime le mal de tête rapidement grâce à l'ibuprofène. A peu près personne ne sait ce qu'est l'ibuprofène et bien peu seraient capables de l'orthographier, mais la formule marche quand même. La logique apparente d l'argumentation n'est donc que pure illusion. Tout fonctionne dans l'imaginaire. En fait, l'argument "ibuprofène" joue le rôle d'une formule magique.


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D'autorité, la communication a remplacé l'information, décidant que seuls devaient être rendus publics les aspects du message qui servent les intérêts commerciaux de l'annonceur, et encore, sous une forme euphorisante. Elle a décide que le consommateur n'avait pas à être informé sur le produit qu'il achète. Mais qu'en est-il réellement des besoins du client? Cette forme de communication onirique et hyperbolique correspond-elle à ce qu'il souhaite? On ne le saura jamais. Une pub chasse l'autre, il n'a même pas le temps de se poser la question. Toutefois, à y regarder de près, la tendance ne va pas du tout dans le sens de la publicité, du moins du côté consommateur. C'est sous la pression des organisations que les étiquettes s'enrichissent d'année en année, d'informations réclamées par les consommateurs, au grand dam des publicitaires qui trouvent que cela ne fait pas très glamour et  s'intègre difficilement au design de leurs packaging. Toutes les informations qui sont aujourd'hui portées à sa connaissance sur les étiquettes ont été arrachées de haute lutte par la pression des consommateurs. Sous la pression du public encore que les pratiques de la publicité se "moralisent", qu'on revient sur les représentations d'hommes et de femmes idéalisés pour s'appuyer de plus en plus sur des acteurs qui ressemblent à "des vrais gens". Comme si peu à peu le vernis craquait. Et révélait qu'en matière de communication commerciale, les attentes du  public sont fortement en décalage par rapport à l'idée que s'en font les professionnels. 


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Parvenus au sommet de son art, la publicité est désormais capable de vendre de l'image pure, elle se vend elle-même, elle fait la publicité de la publcité, le produit n'est plus qu'un prétexte, un produit dérivé du spectacle publicitaire. Cette déréalisation, cette fictionnalisation du réel, atteint aujourd'hui ses propres limites. Comme le monde journalistique a réussi à construire une réalité médiatique cohérente, qui fait écran au réel et s'en est largement autonomisé (voir La Construction médiatique de Vaulx-en-Velin), le monde publicitaire a construit une pseudo-réalité cohérente mais virtuelle où les représentations de produits et des entreprises se confrontent dans un ailleurs, un espace-temps médiatique qui obéit à ses propres règles.

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Pierre Gandonnière


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P
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P
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