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Communiquer en écosystème

Communication de crise : quand tout peut exploser partout

La communication de crise est devenue d’autant plus difficile que les crises sont maintenant polypodes. Arrêt sur image le mercredi 18 octobre à16h30, heure de Paris

L’attaque terroriste d’Arras du 13 octobre fait suite à l’agression d’Israël par le Hamas le 7 octobre et précède l’attentat de Bruxelles le 16 etc… Bien sûr, ces évènements sont de nature différente, se déroulent sur des terrains différents, mais ils résonnent en France et sont liés les uns aux autres.

Y’a-t'il crise ? La première condition serait qu’il y ait menace grave sur l'existence ou sur l’identité…de la France. Est-ce le cas ? Peut-être pas, mais c’est pourtant bien ce que recherchent les entreprises terroristes. Cinq caractéristiques sont à recherche pour déterminer qu’il y a crise : 

1. Intrusion de nouveaux acteurs

2. Saturation des capacités de communication

3. Importance des enjeux

4. Accélération du temps

5. Montée des incertitudes.

 

Il n’y a pas de saturation des capacités de communication à l’échelle du pays, pas non plus d'accélération notable du temps ou d’intrusion de nouveaux acteurs déstabilisants, en tous cas : pas visibles. Pour les deux autres critères en revanche, on peut légitimement s’inquiéter. La montée des incertitudes : ce pays a montré une grande capacité à s’enflammer au cours des dernières années ou des derniers mois. Ce qui le protège d’une explosion de violence est peut-être justement le fait qu’elle ait déjà eu lieu en juin-juillet. Et aussi que ce pays est peut-être plus cohérent qu’on ne le croit face à des situations pareilles. Mais rien n'est sûr et rien n’est acquis. On ne sait jamais quelle allumette va mettre le feu. Or des échéances approchent. Le conflit dans la bande de Gaza peut dégénérer à chaque instant. L’échéance des élections européennes, le 9 juin.  Une poussée sécuritaire entraînant une vague d'extrême-droite aurait un effet terriblement déstabilisant sur les institutions européennes, les relations avec l’Ukraine, la Russie, les partenaires tentés par l’autoritarisme, les politiques intérieurs et extérieures. Ensuite vient pour la France l’organisation des Jeux Olympiques de Paris à partir du 26 juillet On n’imagine pas qu’ils puissent se tenir dans une ambiance de menace terroriste. Ce qui revient à dire que d'autres l'imaginent très bien, au contraire. 

On peut donc dire qu’il y a crise, mais en phase 1, celle dite “préliminaire”, celle où tout peut basculer brutalement en phase critique et alors tous les voyants virent au rouge, ou bien au contraire se stabiliser, évoluer vers une forme de résolution. Dans cette phase 1 on surveille de très près tous les indicateurs et surtout, on active le dispositif de crise pour qu’il soit prêt à fonctionner instantanément. Ce qui a été fait, à l’évidence. Les principaux responsables politiques sont sur le pont : Ministre de l’Education Nationale, Ministre de l’Intérieur, Ministre de la Justice, Première Ministre et même Président de la République, chacun dans un rôle ce qui montre que rien n’est fait au hasard. Le ministre de l’Education Nationale tient ses troupes. Le ministre de l’Intérieur est dans l’action réparatrice : renforcement du dispositif Vigipirate, mise en avant du projet de loi Immigration-Intégration-Asile censé prévenir des attentats comme celui d’Arras. Le ministre de la Justice est dans la défense et confortation du monde judiciaire. La Première Ministre incarne la nation, à l’intérieur, le président de la République essaie de se positionner sur l’Europe et l'International, mais ne peut s’empêcher de redescendre au niveau du terrain.

A l'intérieur, les menaces de crise prennent toutes les formes possibles. Crise politique sous-jacente. La gauche se déchire autour de LFI, bouc émissaire idéal. Le camp présidentiel se frotte les mains sans voir que c’est de l’autre côté que viennent les attaques les plus violentes et un renforcement du RN dans la perspective des européennes est justement ce qu’il fallait éviter. Les Républicains se montrent également offensifs or le pouvoir a absolument besoin d’eux pour faire voter ses lois. Bref, la stratégie de communication du gouvernement, très basée sur des clivages à géométrie variable, va devoir être remise en cause. Crise sociale également, sous la marmite : au moindre incident grave risque d’explosion dans les quartiers à forte concentration immigrée, mouvement de ras-le-bol possible dans le monde enseignant, importation du conflit Israël/Palestine en France dans les rues….Crise économique aussi si les tensions internationales en viennent à déstabiliser les marchés, notamment ceux de l'énergie…

Cette crise larvée est polypode. De l’intérieur comme de l’extérieur, elle peut partir à n’importe quel moment de n’importe quel événement. Image arrêtée ce mercredi à 16 heures. Mardi soir l'hôpital de Gaza est bombardé, des réactions s'enchaînent partout dans le monde, des manifestations devant l'ambassade de France en Tunisie, y’aura-t-il des répliques chez nous ? Des alliances, des soutiens vont-ils basculer ? Le dispositif de crise doit être polymorphe et pouvoir changer de configuration au gré des évènements. Les messages aussi. Le président de la République est contraint de changer de rhétorique. Nul ne peut prétendre circonscrire cette crise ni dans l’espace ni dans le temps. Elle est par nature “en réseau”, il n’y a pas de dedans et de dehors, tout est connecté. 


 

 

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Pierre Gandonnière


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