Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Communiquer en écosystème

Pour ou contre le journalisme participatif? Le POUR


wonderwoman-2.jpg
La presse citoyenne va-t-elle sauver le journalisme ?
(Lire aussi Le CONTRE)
Dans le grand bazar du web naissent peu à peu de nouvelles formes de presse, le journalisme participatif en est une. On peut choisir de regarder ce qui ne va pas. Ou décider de se centrer sur ce qui est intéressant. Le journalisme participatif est en marche on ne sait pas jusqu'où, mais la route qu'il a tracée ne s'effacera pas. Oh My News est un vrai succès, c'est même un modèle, malheureusement pas exportable. Agoravox s'améliore. Il commence à comprendre la nécessite d'une formule. Le Post se cherche encore. Il a réussi quelques scoops. Il rencontre un vrai succès auprès du public. Bondy Blog continue de progresser de manière étonnante, plus professionnel, plus journalisitique chaque semaine, sans rien perdre de son originalité. L'information à 3 voix de Rue 89 est un leurre, mais sait-on jamais....

Il emerge, qu'on le veuille ou non. Au milieu du grand capharnaüm du web. Mal, peu et en vrac, mais il émerge quand même. Bien sûr, si l'on en coryait les prophéties des derviches tourneurs des NTIC cela aurait dû être une révolution qui marche toute seule. Encore une.Mais il n'y a pas eu de génération spontanée. Quelle surprise ! Déjà le 7 avril 1864 dans une conférence célèbre donnée à la Sorbonne, Pasteur démontrait que les souris ne naissent pas spontanément d'un tas de chiffons moisis, pas plus que les micro-organismes ne surgissent spontanément d'une hypothétique "poussière fertile" ou gelée féconde". Il leur faut des germes, un bouillon de culture, des conditions viables, et un peu de soins. Il n'y a pas de génération spontanée dans le journalisme non plus. Le participatif surgit là où on se donne la peine de le cultiver. Et les mieux placés pour le faire restent les journalistes. Encore faut-il qu'ils y trouvent un intérêt. Voire plusieurs :

Redonner de la crédibilité au journalisme
Partager les savoir-faire journalistiques, c'est permettre au public de mieux comprendre comment  l'information se construit, quelles sont ses forces, ses limites. C'est éviter bien des malentendus entre producteurs et consommateurs d'information, bien des querelles inutiles. Adopter un langage et une culture communes. Permettre au public de construire des critiques argumentées et non pas basées sur des j'aime - j'aime pas. C'est l'aider à distinguer ce qui est information et ce qui ne l'est pas. Paradoxalement cela renforce la position des journalistes davantage que ça ne l'affaiblit. C'est accepter de travailler sous le regard critique de l'autre et non plus dans la tour d'ivoire du journaliste-qui-sait. C'est restaurer la confiance.

Sortir du "canon à dépêches"
De plus en plus souvent le métier de journaliste consiste à reprendre (en les enrichissant?) des dépeches d'agence. On n'a plus le temps ni le moyens d'aller sérieusement sur le terrain. Les sources d'information sont donc les mêmes pour tout le monde, le mode de traitement aussi. A quoi sert-il alors d'avoir plusieurs médias? Pourquoi les "lecteurs" accepteraient-ils de payer pour une information qu'ils trouvent partout gratuitement ? Avant la création de la première agence d'information en 1835 (Havas, devenue AFP), un journal puisait sa force dans son réseau d'informateurs. Le journalisme participatif lui permet de retrouver ce pouvoir. Par la même occasion, on en profitera pour échapper à l'agenda setting, ce calendrier des évènements "incontournables" imposés de l'extérieur et dans lesquels on trouve tant de manifestations purement médiatiques, d'anniversaires et de commémorations  totalement artificielles et autopromotionnelles.

Se détacher des attachés de presse
Coincé au desk, entre les dépêches d'agence et les communiqués des services de relations presse, le journaliste a de plus en plus de mal à conserver ses marges de manoeuvre, à décider lui-même ce qui est intéressant à traiter. Se démultiplier à travers les citoyens-journalistes lui permettrait d'échapper à cette emprise. Quitte à relater un évènement en passant par un intermédiaire, le témoignage d'un internaute vaudra toujours mieux que le dossier de presse d'un professionnel de la communication.

Se construire une communauté

A l'ère du web, pas de réseau social sans média, pas de média sans réseau social. Le internautes ne sont pas seulement des consommateurs. Avec une vraie implication pour produire, compléter, critiquer, commenter l'information, ils participent complètement à la construction du contenu. Ils permettent aussi une sorte de marketing éditorial permanent pourvu qu'on veuille bien les écouter et les entendre. La communauté n'est pas la clientèle du "journal", elle EST le journal. A l'heure où les internautes sont volatiles et les lecteurs-téléspectateurs encore bien plus, construire et cultiver une communauté de lecteurs-participants est un enjeu stratégique majeur. Pourvu qu'on ne considère pas les consommateurs-lecteurs comme des fatsfoodeurs à gaver. Et des producteurs gratuits de contenus comme des esclaves dans un champ de coton.

Déformater les pratiques du journalisme
Toutes les critiques portées au journalisme ne sont pas dénuées d'intérêt. Et pourtant, même si la profession fait semblant de les accueillir, le moins qu'on puisse dire est qu'elle n'en fait pas grand chose. Ses pratiques ne changent pas. Comme toute forteresse assiégée, elle se défend en préservant ses acquis. Le formatage dans les école de journalisme continue. On fait de moins en moins confiance à l'exorecrutement. Les mêmes milieux professionnels passant par les mêmes écoles produisent les mêmes journalistes. Enfin du nouveau ? Peut-être serait-il temps de faire entrer le loup dans la bergerie...sinon c'est l'esprit moutonnier qui triomphera.

Regagner son indépendance
Voilà bien l'enjeu principal auquel le journalisme participatif peut concourir. Soumis aux pressions des pouvoirs en place, le journalisme n'a plus, comme au XXème siècle, le monde économique sur lequel s'appuyer. L'économique est un pouvoir, est LE pouvoir. S'il ne veut pas être asservi, passer sous les fourches caudines du politique et de l'économique, être à la remorque de leurs stratégies de communication médiatique, le journalisme ne peut s'appuyer que sur le public. C'est auprès de lui seulement qu'il peut trouver assez de force pour résister aux critiques et aux tentatives de déstabilisation. Assez de marges de manoeuvre pour décider de ce qui mérite d'être traité et comment. Pour imposer son propre agenda setting. C'est aussi auprès du public qu'il trouvera le nouveau modèle économique sans lequel il ne saurait survivre.

Pierre Gandonnière




Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
À propos
Pierre Gandonnière


Voir le profil de Pierre Gandonnière sur le portail Overblog

Commenter cet article
R
<br /> "Peut-être serait-il temps de faire entrer le loup dans la bergerie...sinon c'est l'esprit moutonnier qui triomphera."<br /> <br /> Excellente formule ;-) Malheureusement, aussi loin que l'on remonte, les loups ont toujours été férocement chassés par les humains... alors, bon courage, à tous les loups qui espèrent pénétrer dans<br /> la bergerie... un coup de bâton vous attend dans le meilleur des cas, un de 22 long rifle dans le plus probable ;-)<br /> <br /> <br />
Répondre