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Communiquer en écosystème

L’interview du maire de Lyon sur le Tour de France

Les pièges médiatiques se referment sur les écolos

Grégory Doucet dénonce un Tour de France “machiste et polluant”. Aussitôt les médias locaux, nationaux et surtout les réseaux sociaux se déchaînent. A milieu d’un flot de commentaires purement injurieux, les arguments qui reviennent le plus souvent sont “islamo-bobo-gauchiste”,  “écolos radicalisés, qui veulent tout interdire”, “dogmatisme”, “racisme de classe”. Comment a-t-on pu en arriver là ? 

En lisant l'interview donnée au Progrès le 9 septembre, ce que presque personne n’a fait, on est surpris du décalage entre le contenu de l’article et la manière dont il a été reçu. Grégory Doucet y parle du Tour de France comme d’une fête populaire “Le Tour, c’est la promotion du vélo au sens large. Il allie sport individuel et sport d’équipe. C’est une épreuve qui porte de belles valeurs sportives”. Plus loin “ J’ai tout fait pour qu’il puisse arriver dans notre ville”. Comment passe-t-on de ces propos, à l’interprétation selon laquelle il aurait voulu l'empêcher, ou bien qu’il n’en veut plus à l’avenir ? C’est que sur la sollicitation de la journaliste il émet deux réserves.  Il souligne le fait qu’il n’existe pas de version féminine du Tour, ce qui est vrai puisqu’il est question d’en organiser une en 2022. Et le fait qu’il est polluant, d’ailleurs  les organisateurs eux-mêmes ont commencé à s'attaquer au problème : 3 véhicules électriques sur 110 dans la version 2020 et une meilleure gestion des déchets. Il y avait donc moyen de dire cela sans déclencher de polémique. Mais c’est ici  que les choses se gâtent.

 

En premier lieu, la journaliste titre “Grégory Doucet : le Tour de France est +machiste et polluant+”. Le moins qu’on  puisse dire est que le titre ne reflète pas le ton de l’article. Il est même limite sur le plan journalistique car l’expression “machiste et polluant”, bien que mise entre guillemets, n’a jamais été prononcée telle quelle par le maire de Lyon. C’est pourtant la seule chose qui sera retenue, la plupart des commentateurs ne liront que le titre, d’autant plus que le reste de l’article n'est pas disponible, il est réservé aux abonnés. C’est donc au titre et non pas à l’article qu’ils réagissent. Or les réseaux sociaux qui véhiculent les contenus ne fonctionnent que sur le “clash”, la “polémique”, l’indignation permanente. Ils vont imposer leur regard. 

 

Ensuite Il y a un bruit de fond. Depuis des décennies, les médias construisent cette image d’écolos sectaires, dogmatiques, qui critiquent tout, des "khmers verts", des "ayatollahs", peu importe que ce soit vrai ou non, la forme existe dans le monde médiatique et en journalisme, la forme aspire le fond. Dit autrement : toute information qui tombe dans ce contexte aura tendance à prendre cette forme, à illustrer que les écolos sont bien comme ça. Il est difficile d'échapper à une image construite depuis longtemps. 

Mais il y a d’autres raisons qu’on trouve chez les écolos eux-mêmes, à Bordeaux, à Rennes, à Marseille, à Lyon. Ils sont habitués à une communication de type “opposition”, c’est à dire qui met en avant la critique d’abord. L’opposition crée du dissensus. Or maintenant, ils sont la majorité, ils gèrent les affaires publiques, ils doivent s’adresser à toute la population, ils doivent créer du consensus. Il leur faut passer d’une communication orientée en priorité vers leurs militants (ce qu’ils sont habitués à faire), vers une communication qui vise leurs électeurs (beaucoup plus nombreux et plus divers), leur majorité (encore plus diverse) et enfin l’ensemble de leurs concitoyens qui ne sont pas plus écolos que ça. Il leur faut être compris et acceptés de tous. S'installer dans le rôle de "maire". Sortir de celui de “militant vert”. Pour chaque nouvel élu, ça prend un peu de temps.

Enfin, dans l’interview de Grégory Doucet elle-même,  on perçoit la nécessité  urgente de mieux comprendre comment fonctionnent les médias. Par exemple, il ne répond presque jamais aux questions. Bien sûr, il répond, mais pas dans les formes et cela se retourne contre lui. La journaliste lui pose une série de questions fermées : “Si vous aviez le pouvoir..vous auriez refusé (le Tour) ?”, “Vous n’aimez pas le Tour ?”, “Le Tour de France reviendra-t-il à Lyon?”  A ces questions-là il n’y a que deux réponses possibles : Oui, ou Non. Ensuite on développe, on nuance. Grégory Doucet ne répond ni l’un ni l’autre. Il se lance dans une explication nuancée, équilibrée, prudente, mais pas nette. Il ne faut pas être surpris qu'avec une telle forme de réponse, le lecteur puisse se permettre n’importe quelle interprétation, y compris malveillante. Un Oui ou un Non, c’est beaucoup plus difficile à contourner. 

 

Pierre Gandonnière

 

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