Communiquer en écosystème
26 Août 2020
Les collectivités territoriales doivent faire face à un dilemme : assurer à la fois la communication publique et la communication politique. Or, les deux finalités sont contradictoires.
La communication publique, c’est le service public de la communication. Le citoyen y a droit. La collectivité doit rendre des comptes sur son action, elle doit informer les habitants sur leurs démarches, sur les services qui leurs sont rendus, d’une façon générale elle doit mettre à disposition toutes les informations qui les concernent. En respectant les règles de tout service public : accessibilité, égalité de tous, neutralité (dont : laïcité).
A l’inverse, la communication politique est partisane. Elle consiste à “vendre” à la population la politique conduite par une équipe. C’est à dire informer dans une intention de valorisation. Le tout en milieu hostile ou du moins pas forcément bienveillant : majorité composite, opposition, médias, grand public. Ce qui la conduit à utiliser des techniques de marketing, voire des stratégies offensives/défensives totalement incompatibles avec la communication publique.
Or, les deux sont nécessaires et relèvent souvent de la même Direction. On s'efforce de les séparer. Le politique dépendra du cabinet du maire ou du président, le “public” dépendra des services. Mais ce n'est vraiment pas satisfaisant. La communication publique doit être “sanctuarisée” pour ne jamais être utilisée à des fins de propagande. Mais ce n’est pas si simple. Le service presse doit-il fournir des informations à un journaliste dont on sait qu’il prépare un article peu amical ? Il y aurait droit. Quant à la communication politique, elle mérite mieux que du simple marketing. Elle mérite de prendre en compte tous les points de vue et pas seulement celui du “vendeur”.
Qu’on le veuille ou non, avant de délivrer un message, la première chose que fait une communication c’est de dire qui on est. Un “autocrate” centrant tout sur lui, son image sa carrière, ses ambitions ? Ou bien une “belle machine technopolitique” qui imagine des solutions brillantes tout seule dans son coin ? Dans le premier cas, le destinataire est un “public” appelé à applaudir. Dans le second, c’est un “client” pour qui on crée des services. Aucun des deux n’est un citoyen. “Qui on est ?” “Qu’est-ce qu’on fait pour les gens ?” “Et comment?” Telles sont les questions centrales de la communication politique. Ensuite devrait venir : “Et eux, de quoi ont-ils besoin? Qu’est-ce qu’ils ont à dire qui peut nous être utile ?” Si on transforme la ville avec ses habitants, il faut que ça se voit. La communication politique doit alors montrer le débat public, trouver les outils pertinents, les faire fonctionner (plateformes de concertation, réseaux sociaux gérés avec des règles…), et les mettre en valeur.
Si le projet est la transition écologique, alors le dispositif doit être encore plus ouvert. Car c’est l’ensemble de la collectivité et de ses habitants qui va se mobiliser, lancer des projets, ouvrir des débats, chercher des solutions. L’équipe en charge de l'exécutif n’a aucune raison de porter toute seule sur ses épaules le poids de toutes ces initiatives et des conflits éventuels qu’elles génèrent. Elle peut au contraire apparaître comme l’arbitre des débats sur la place publique. Plus les projets de transformation sont importants, plus les collectivités ont intérêt à ouvrir la communication politique, à la faire fonctionner en mode “débat” et se positionner comme animateur. Les moyens sont à leur disposition : les journaux municipaux, les sites web, les services de relations presse, les réseaux sociaux. Il ne reste qu’à les faire fonctionner différemment, en écosystèmes ouverts.
On voit qu’au delà de la communication publique et de la communication politique il y a une troisième voie, celle du débat. Avec des règles inspirées de la communication publique : il doit être honnête, équilibré, accessible. Il doit rendre un vrai service à la population. Mais son contenu sera “politique”, au sens noble : il parlera de la vie de la cité. Les collectivités ont intérêt à se saisir de cette question. Si elles ne le font pas, il n’y aura que les polémiques sur les réseaux sociaux pour tenir lieu de discussion. Mais elles doivent le faire en limitant et en maîtrisant l’exercice.
Pierre Gandonnière
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