Communiquer en écosystème
27 Juin 2023
Voici un affichage sur un panneau Clear Channel, dans les couloirs du métro
“Cet écran est fier de soutenir le mois des fiertés”
A y regarder de près, non cet écran n’est fier de rien du tout, il n’est pas une personne, ni fier ni pas-fier, c’est une machine. Pourtant on le personnalise. D’habitude on le fait pour les animaux qu’on humanise dans les cartoons ou dans les fables de La Fontaine par exemple. Mais pour un objet manufacturé, ils y vont un peu fort. Il exprime des sentiments ?
A y regarder d’encore plus près, non il n’exprime rien du tout, ce n’est pas lui qui parle. “Cet écran”, troisième personne du singulier, quelqu’un parle pour lui, il a un porte-parole, une personne qui est certainement tout à fait humaine mais qui se donne pour mission d’être le messager d’une machine.
A y regarder d’encore-encore plus près, -qu’on va finir par se cogner dedans-, il doit bien y avoir quelqu'un qui parle, quand même, mais qui ? Ce procédé de communication est bien connu dans la technocratie pour désamorcer tout risque de contestation. Etape 1 : on dépersonnalise. Au lieu d'écrire “M. Pascal Durand, pdg, a décidé que…” On écrit “la direction dispose que….”. C’est anonyme, la direction, ce n’est personne. Etape 2 , on va plus loin, on passivise, on traduit tout en mode passif : “Le personnel est informé d’une nouvelle disposition…” Le sujet de l’action “décider” a complètement disparu, le sujet du verbe “est informé” subit l'action sans pouvoir s’y opposer.
Ici quelqu'un a bien dû décider de soutenir, on ne sait pas qui, il n’y a aucun humain dans cette communication, le “soutien” est attribué à un écran. De plus il ne s’agit pas de soutenir des personnes mais une abstraction “le mois des fiertés”. Il n'y a pas non plus de destinataire désigné, comme “vous”, “tu”, ce message ne s'adresse à personne. On a connu plus enthousiaste.
En comparaison, cet autre message diffusé aussi sur les écrans de Clear Channel. “Ensemble, partout, maintenant”. On ne sait pas qui c’est mais il y a tout le monde, donc l'émetteur du message aussi : The Sorority, une fondation dédiée à “...la lutte contre les violences conjugales, intra-familiales, contre le harcèlement…” Le destinataire aussi est représenté dans le message, sous deux genres “Tu n’es pas seul.e”. Avec un lien de proximité établi par le tutoiement. Et une implication de l'ensemble de l’entreprise “avec le soutien de Clear Channel”. Là, ce n’est pas l’écran qui soutient.
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