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Communiquer en écosystème

Danger : rien ne protège la liberté d’expression sur le web

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Je viens de terminer un bouquin qui fait un point complet sur le droit de la presse. Enorme surprise, il semble bien que rien ne protège la liberté d’expression. A force de bricolages effectués au coup par coup, sans aucune cohérence, on a fabriqué un monstre juridique et on n’a pas fini de le payer cher. 

 

Bien sûr, on n’arrête pas de se référer à l’article 10 de la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen : “La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme. Tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement sauf à répondre des abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi”. Auquel on va rajouter la Constitution de 1958 qui réaffirme ces principes, l’article 17 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme qui consacre la liberté d’expression, et l’article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme qui protège : “la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière”.  

Voilà pour la théorie. On est bardé-serré.  Ces droits sont opposables, ils devraient permettre d’exprimer librement des pensées et des opinions sur le web. Voire : de diffuser des informations. 

Car depuis le droit, s’il  n’est pas revenu sur les principes, il en a inversé les pratiques. Selon le principe de la neutralité du web, de la non-responsabilité de l’hébergeur, seul l’auteur d’un contenu devrait pouvoir être poursuivi. Sauf que la loi a prévu que le fournisseur d’accès ou l’hébergeur puissent aussi  être inquiétés. Selon la directive européenne du 8 juin 2000 un hébergeur qui dont un des clients publierait des contenus litigieux “doit, dès qu'il prend effectivement connaissance ou conscience du caractère illicite des activités, agir promptement pour retirer les informations concernées ou rendre l'accès à celles-ci impossible”. Sinon, il pourrait être poursuivi à son tour. 

 

C’est pourquoi, sans attendre des décisions de justice, des hébergeurs prennent sur eux de supprimer des contenus, de neutraliser un site ou un blog, ou même de flinguer un profil, comme le fait régulièrement Facebook, au simple motif d’avoir reçu des “signalements d’internautes”. L’hébergeur ouvre la parapluie, il ne prend aucun risque. Le profil Anti-Sarko “Torapamavoix” se fait régulièrement dézinguer parce qu’il est devenu une cible des “pro-”. Des entreprises font la chasse aux commentaires critiques, en utilisant les services de conseils en e-réputation.  L’internet se purge peu à peu de tout ce qui n’est pas accepté par les communicants. Là il ne s’agit pas de propos qui tombent sous le coup de la loi, comme diffamatoires ou injurieux, mais simplement de propos qui déplaisent et qu’on parvient à faire éliminer. 

Les nouveaux censeurs ont en face d’eux des opérateurs qui ne sont pas des juristes et pas des professionnels de l’information, mais des webmasters faciles à intimider. Ou pire encore : de simples algorithmes, comme dans le cas de Facebook, aucune intervention humaine n’est nécessaire, le système marche tout seul, aucun recours n’est possible. Dans le cas de publications journalistiques, on peut encore faire valoir le devoir d’informer. Dans le cas d’une publication non-professionnelle,  la loi n’a pas prévu que la liberté d’expression puisse être défendue et que celui qui a retiré (ou fait retirer) abusivement un contenu puisse être sanctionné. Bref, en théorie, le droit consacre la liberté d’expression, en pratique il ne permet pas de  la protéger. Au contraire, il consacre la censure comme une sorte de principe de précaution.  


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Pierre Gandonnière


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O
À plusieurs reprises, j’ai reçu des notifications de la part de Hostpoint, mettant en garde contre l’utilisation de plugins WordPress présentant des failles de sécurité connues (W3Cache et<br /> WPSuperCache) et recommandant la mise à jour immédiate.
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