Communiquer en écosystème
13 Mai 2011
Qu’arrive-t-il donc à une information qui entre dans la machine médiatique?
Voilà qu’on reparle des époux Lavier. Leur nom avait été cité une première fois lors du procès d’Outreau en 2004. Tous coupables ! Dix-sept personnes étaient traînées devant les tribunaux pour viol sur mineurs. Des monstres comme on disait à l’époque. Un chapiteau de cirque avait même été installé devant le Palais de Justice d’Outreau pour que le public puisse assister à la représentation. Un an plus tard en appel, treize d’entre eux sont acquités à la demande du procureur lui-même. Tous innocents. Et puis là, il y aurait comme une addition mal soldée, les époux Lavier ne seraient pas blancs-bleus. On se dit que peut-être tous n’étaient pas aussi innocents que ça, qu’on est peut-être allé trop vite dans les deux cas. Il ne s’agit pas ici de refaire le travail de la justice mais de regarder celui de la presse, sa façon de dérouler le story telling. Scénario N°1 : la machine médiatique lave plus noir que l’encre. Elle surenchérit sur l’affaire Dutroux. Scénario N°2 : la machine lave plus blanc, tout le monde sort immaculé du tambour. Scénario N°3 : tiens, elle découvre qu’il y avait peut-être de la couleur et des nuances dans tout ça. D’ailleurs on compte quatre condamnés.
Autre séquence. Sur la photo Pierre Perret sort ravi du tribunal. Avec ce sourire qu’on lui a toujours connu. Il vient de faire condamner le Nouvel Observateur pour diffamation par la XVIIè Chambre Correctionnelle de Paris. En cause un article de Sophie Delassein qui l’accuse d’imposture sur ses relations avec Paul Léautaud et d’avoir pillé l’oeuvre de Brassens et Garcia Lorca. “Un réquisitoire d’une singulière violence “, mais sans fondement stipule le tribunal. Voilà tout de même un homme qui vient d’être traité de menteur et de plagiaire pour la première fois de sa carrière en plus de cinquante ans. Scénario journalistique : Pierre Perret est un des artistes les plus populaires, tout le monde l’aime, il est au dessus de tout soupçon. Voyons si on peut le retourner dans son contraire : "et si c'était un monstre, un imposteur”? Voilà qui ferait un scoop. Et tant pis si ça n'est pas vrai. Et tant pis si on salit l'honneur d'un homme.
Il faut qu’un article ait du caractère, pour que l’encre prenne. il ne peut pas faire dans la nuance, le clair-obscur, l’estompé, le gris clair. Il doit trancher dans le vif, porter le fer même là où il n’y a pas de plaie. Il faut que ça claque, il faut que ça buzze. Tant pis pour la réalité, elle va prendre quelques coups au passage, mais elle n’avait qu’à pas se trouver sur le chemin. Le journalisme est passé d’une recherche des faits à une recherche d’effet. Une information qu’on ne remarque pas n’existe pas. Alors on défend une thèse, on s’y accroche, on la nourrit, on la monte en épingle. On ne supporte pas qu'on puisse la mettre en doute, sinon c’est tout l’édifice qui s’effondre.
Dans la machine médiatique, comme dans un lave linge, toute information qui entre prend la couleur du lige qui déteint le plus.
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