Communiquer en écosystème
8 Novembre 2010
C’est reparti, ils ne se passe pas un jour sans que des accusations fusent contre les journalistes. Non pas : ils se sont trompés, ou : ils exagèrent. Mais : ils mentent. Donc ils savent très bien quelle est la vérité mais ils disent le contraire. Il ne s’agit pas de prétendre que la presse n’est pas criticable. Sur ce blog, on passe son temps à le faire. Mais il s’agit pour une fois de critiquer la critique. La presse ment-elle? Pourquoi tant de gens le pensent-ils?
Les militants. Pour ceux de droite, les journalistes sont tous de gauche, c’est comme ça. Pour ceux de gauche, c’est l’inverse, ils sont vendus à la droite. Ils appartiennent à de grands groupes capitalistes et sont incapables de résister à la pression. Ils écrivent donc ce qu’on attend d’eux. Ils sont les valets d’une presse bourgeoise. L’ennuyeux avec les militants, c’est qu’ils sont tous convaincus qu’ils ont raison et que les autres ont tort. Et réciproquement. Le militant est sûr d’une chose : il détient la vérité, elle est dans sa tête. Du coup il n’a pas besoin de la chercher dans les faits. Tout journaliste qui ne reprend pas le bréviaire militant sans y changer une seule ligne est un traître. Si en plus il se permet une distance critique son compte est bon.
On nous cache tout, on ne nous dit rien. Non seulement les journalistes racontent n’importe quoi, mais ils gardent le silence sur les sujets importants, les vrais sujets, ceux qui intéressent les gens, les sujets qui fâchent, ceux qui dérangent, les seuls vraiment dignes de figurer dans un journal. Ah bon. Mais c’est quoi alors, ces “vrais sujets”? Pas facile de répondre parce que personne n’est d’accord là-dessus. Il n’y a pas plus de consensus dans l’opinion publique sur cette question qu’il n’y en a dans le monde du journalisme, si l’on en croit les différences de sommaire qu’on peut trouver entre L’Humanité, Le Figaro, ou la Charente libre. On va donc pouvoir continuer de croire que si un sujet n’est pas traité par tel journal, c’est qu’il a été volontairement occulté, parce qu’il déplaisait, et qu’il y a eu des pressions. De même qu’on va se convaincre que, plus on est critiqué, plus on cherche à nous faire taire, plus ça prouve qu’on a raison. Plus on dit des conneries et plus on a raison, donc.
Les journalistes se construisent des vérités médiatiques et ne veulent plus en démordre. Ce n’est pas faux. Les vérités médiatiques se refilent un peu comme la chtouille, on ne sait jamais qui a commencé, mais une fois que c'est dans le circuit, on n'arrête pas de se la repasser. Et ça c’est un erreur. On devrait toujours vérifier une info, même quand elle vient d’un confrère. Car une fois que la pomme pourrie est tombée dans le chaudron, difficile de la rattraper. Difficile d’admettre qu’on s’est trompé. Mais ceci étant dit, l’essentiel du travail de journaliste consiste bien, encore et toujours, à publier des informations vérifiées et correspondant aux faits. Beaucoup plus vraies et beaucoup plus vérifiées que les rumeurs, les idées carrées des militants ou les vantardises promotionnelles des héros autoproclamés.
Alors bien sûr, la tentation est grande de ruer dans les brancards, d’attaquer la presse dès qu’un article déplaît, de faire comme s’il ne reposait sur rien, comme si le journaliste avait tout pris dans son imagination, comme s’il n’y avait aucun travail de recherche et de validation derrière. Comme si le boulot de la presse, malgré toutes ses imperfections, ne consistaiti pas quand même à rechercher la vérité. Mais le voilà, le problème. La vérité n’intéresse personne. ce que les gens veulent, c’est avoir raison.
Pierre Gandonnière
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