Communiquer en écosystème
8 Octobre 2010
L'anti-communication est une science exacte. Elle ne soufffre pas l'à peu près. C'est par un application rigoureuse de ses principes et de ses méthodes qu'on parvient à un résultat satisfaisant. Essayons de les découvrir ensemble.
Leçon N°1 : Ne pas écouter
Et pour cela on peut repérer cinq tactiques:
1 Fermer les écoutilles. Dans n'importe quelle formation en communication interpersonnelle, on explique comment laisser une place à la parole de l'autre en utilisant des questions ouvertes plutôt que des questions fermées. Et bien justement, dans l'anti-communication on ferme tout. On pose des questions comme un formulaire de Sécurité Sociale. Il faut entrer dans les petites cases et cocher au bon endroit : oui ou non. Toutes les démarches administratives fonctionnent sur ce modèle, toutes les politiques publiques aussi. Malheur à celui qui n'entre pas dans le moule à gaufre.
2 Renverser le jeu. Dans une démarche classique de communication on part de la demande du client (large) qu'on précise peu à peu par des questions pour arriver à ce qu'on peut faire pour lui. Dans l'anti-communication on procède à l'inverse, on part des réponses pour arriver aux questions. Une publicité l'explique parfaitement : « nous avons les réponses, posez-nous les questions ». Le jeu consiste alors à deviner les questions qui correspondent aux réponses que le système garde en stock. D'ailleurs, quand on essaie de poser une vraie question, le système plante (voir plus loin : Jouons avec l'anti-communication). Les standards automatiques, les FAQ, fonctionnent selon ce modèle là. Mais plus grave on oblige des répondants humains à fonctionner aussi de cette manière. (Exemple : les plateformes téléphoniques)
3 Refaire le portrait de son interlocuteur, lui montrer clairement ce qu'on attend de lui, comment il doit se comporter pour que tout se passe bien. « Mais c'est normal! ». Pas tant que ça. On pourrait s'attendre à ce que ce soit le fournisseur qui s'adapte au client et pas l'inverse. Dans les publicités, le client est : 1 satisfait (« Heureux? » « -Très heureux ! »), 2 docile, il accepte toujours ce qu'on lui propose (« vous voulez qu'on prenne un rendez-vous, » « pourquoi pas ») et 3 un peu idiot (« j'ai un cabinet d'assurance avec une vingtaine de collaborateurs, je voudrais en enbaucher un de plus, je ne sais pas sur quelle base le payer... » Tiens, comment a-t-il fait pour les 20 premiers? ). En contemplant le visage du client idéal, qui, lui, est satisfait, le mécontent doit se dire que c'est sûrement de sa faute, le problème doit venir de lui, il n'a pas dû faire ce qu'il fallait. D'ailleurs, c'est à peu près ce qu'on lui répond quand il râle.
4 Disqualifier les contradicteurs. Celui qui n'est pas du même avis que vous ne peut pas avoir raison. Soit c'est un râleur professionnel (la « grogne » sociale), soit c'est quelqu'un qui est contre tout (il est pour « l'immobilisme »), soit il n'a rien à proposer, ou rien à dire parce que lui-même ne vaut pas mieux. Ou bien c'est un « provocateur », donc il ne faut surtout pas l'écouter. Des fois qu'il provoquerait une prise de conscience. Dans tous les cas il s'agit de faire diversion et de ne surtout pas répondre que le fond, par de vrais arguments. Ainsi il n'y a pas dé débat possible, seulement des confrontations.
5 Flinguer toute parole dissonnante. L'Eglise de Scientologie avait pour habitude d'attaquer ses détracteurs en justice dans tous les pays où elle est présente, en même temps. C'est dissuasif. Aucun éditeur n'a les moyens de se payer 40 procès, dans 40 pays avec 40 avocats, même en les gagnant. Aujourd'hui, en plus des classiques pressions sur les rédactions, on n'hésite pas à traîner les journaux devant les tribunaux, mettre les journalistes en garde-à vue, mener des perquisitions dans les médias, même si ça ne donne rien, par pure intimidation. Enfin, dernière étape de la stratégie, on s'en prend directement aux sources. Les petits malheurs de David Sénat, le collaborateur de Michèle Alliot-Marie, servent de leçon aux petits malins qui seraient tentés de faire des confidences à la presse : on n'hésitera pas à lancer les services secrets contre vous. Ainsi; on s'achemine tranquillement vers un droit d'informer unilatéral, entre les seules mains des gouvernants, comme dans une entreprise.
Jouons avec l'anti-communication
Sur le site de GDF-Suez, on trouve la dernirèe évolution de l'anti-communication : Zoé, un avatar censé répondre à toutes vos questions en langage naturel.
QUESTION (bien sûr, par pure perversité, on ne va poser que des questions ouvertes) :
"Comment connaître sa consommation de gaz?"
Zoé s'inquiète un peu mais pas trop. Elle répond :
-« Que voulez-vous dire exactement? »
Et propose 5 réponses-types qui vont de « comment transmettre l'index de mon compteur? » à « pourquoi mes consommations sont-elles surévaluées? »
Comme on ne veut pas se laisser enfermer dans les algorithmes on répond :
« Non, comment évaluer ce qu'on consomme? »
Zoé commence à avoir du mou dans le manche. Elle répond par des phrases qui n'ont plus aucun sens comme : -« qu'est-ce que le service ma future consommation? »
Comme on est une teigne on insiste :
« Non. Comment savoir si je vais consommer beaucoup ou pas beaucoup. Et si le prix du gaz augmente, de combien ma facture va augmenter ? »
C'est le coup de grâce. Le moteur fume, Zoé, jette l'éponge :
-« Désolée, mais votre phrase est trop longue »
Et elle se jette sur une boîte de e-prozac.
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