Communiquer en écosystème
12 Mars 2025
Radicalité ou pragmatisme? Les écologistes ont tendance à défendre un projet “pur vert”. L’urgence, la gravité des problèmes, ferait qu’on ne pourrait pas faire de compromis. Il faudrait aller le plus loin possible, le plus vite possible. Mais -est-ce plus efficace? Pour tenter d’y voir clair, voici un jeu avec deux équipes. L’une -que nous appellerons l’équipe verte-, défend l’écologie “pur jus”. Et l’autre -que nous appellerons l’équipe blanche, pas pour lui être désagréable, mais surtout pour ne pas avoir à lui attribuer une autre couleur-représente une population témoin, une équipe municipale non-écolo, par exemple. Dans chaque partie, on va regarder ce qui se passe si on négocie ou si on ne négocie pas. Posture de départ : l’équipe verte adopte une position radicale, elle demande toujours le carton plein d’écologie : 10 points. L’équipe blanche …ça dépend.
SCENARIO N°1
L’équipe verte est minoritaire, elle ne dispose que de 4 joueurs, mais chacun d’entre eux détient 10 points d’écologie, soit 40 points en tout. Avec six joueurs, L’équipe blanche est au pouvoir. Elle est très peu verte (puisqu’elle est blanche). Chaque joueur ne détient que 2 points d’écologie, soit 12 pts en tout pour cette équipe. Le total des deux équipes fait 40+12=52 points, mais comme l’équipe verte ne veut pas négocier, elle perd ses points. L’équipe blanche fait ce qu’elle veut : 12 pts d’écologie
Si l’équipe verte accepte de négocier on va considérer que les 10 joueurs se mettent d’accord pour adopter une position commune et que celle-ci est un moyen terme entre leurs deux positions, entre le 10 et le 2, leur position commune est la moitié de la totalité des points, 52 pts / 2 = 26 pts. Cela revient à dire que chaque joueur accepte d’avancer de 2,6 pts seulement. Pour les joueurs verts, c’est un déchirement, ils régressent de 10pts à 2,6 mais globalement, le système a fait 26 pas d’écologie au lieu de 12. La négociation est plus efficace.
A l’étape N+1 de ce scénario, on peut espérer que l’équipe blanche, encouragée par le succès de l'opération, accepte d’avancer d’un point supplémentaire et passe de 2 à 3 pts par joueur soit 3X6=18 en tout. L’équipe verte qui est à son maximum, garde toujours 10 pts par joueur soit 4X10=40. Le total est maintenant de 58, le score global a augmenté. La négociation encourage à progresser.
SCÉNARIO N°2
L’équipe verte est majoritaire, elle compte 6 joueurs avec 10 pts d’écologie chacun (6 X 10 = 60). L’équipe blanche est prête à avancer de 2 pts d’écologie par joueur, soit 4 X 2=8. Mais l’équipe verte, intransigeante, va vouloir passer en force, elle ne négocie pas, elle a des comptes à rendre à sa base. Le total de la partie sera donc de 60 pts seulement. Là où ça se complique, c’est que l’équipe blanche dispose de 8 pts d’hostilité par joueur, la différence entre le maximum de 10 et son acceptation de l’écologie située à 2. Son pouvoir de nuisance est donc de 4 X 8 = 32. C’est la puissance qu’elle peut mobiliser pour empêcher l’équipe verte d’atteindre son but. Le vert clair est rongé par le sombre, l'équipe verte n’atteindra jamais ses 60 pts d'écologie.
S’il y a négociation au contraire, tous les acteurs se mettent d’accord sur une position commune que nous dirons, comme dans le cas précédent, formée par la somme des points divisée par le nombre de joueurs : 60 + 8 = 68. On peut donc avancer dans cette partie de 68 pts d’écologie, ce qui représente 6,8 pts par joueur. Pour l’équipe blanche c’est un effort considérable, pour l’équipe verte, un renoncement tactique. Car dans cette hypothèse, le pouvoir de nuisance a été effacé. Les 68 pts d’écologie ne rencontrent pas d’hostilité majeure. C’est avec sa base interne que l’équipe verte aura des problèmes : expliquer pourquoi on est passé d’une position de principe à 10pts à une position négociée de 6,8 pts. La négociation est plus efficace.
Reste une question non traitée : celle du seuil d'acceptabilité. Si dans l’équipe verte on trouve acceptables un monde où l’écologie est placée à 10 sur un curseur, ce n'est pas le cas du reste de la population. Il y a un seuil au-delà duquel on déclenche une réaction de rejet. C’est le moment où les nuisances causées par le changement deviennent supérieures aux bénéfices qu’on en retire, au moins à court terme. Se situe-t-il au-delà de 50 pts, à 75? Alors en cas de non-négociation, on risque de se retrouver à l’étape N+1 avec une équipe blanche renforcée, à égalité (5-5), voire même majoritaire, en clair : on perd les élections. Au contraire, en cas de négociation, on ne dépasse pas le seuil d’acceptabilité et l'équipe blanche pourrait bien être encouragée à aller plus loin, accepter 3 ou 4 points d’écologie par joueur, comme dans le scénario 1.
Bien sûr, il ne s’agit que d’un jeu, un serious game. Il n’est destiné qu’à servir de support de réflexion à cette question : est-il plus efficace de négocier ou de passer en force ? Dans ce modèle, négocier est toujours préférable. Il vaut mieux que 10 000 acteurs avancent d’un pas plutôt qu'un seul acteur avance de 10 000 pas. Ce jeu montre aussi que l'intransigeance est un piège puisqu’il empêche d’impliquer le plus grand nombre.
Pierre Gandonnière
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