Ecologie de l’information. Ecosystème médiatique, réseaux, niches, chaîne informationnelle, ce sont des concepts. Mais en quoi une approche écologique change-t-elle la pratique même de la communication? Il faudrait répondre au cas par cas, montrer à chaque fois comment ça se passe. L'explication globale prendrait un bouquin entier. Mais à travers l’exemple de la publicité, déjà on verra mieux.
La communication publicitaire s’appuie sur un modèle classique (Shannon) :
Emetteur → Message → Récepteur.
Modèle qui fonctionne plutôt bien dans les conditions suivantes.
- Les deux rôles sont figés, d’un côté l’emetteur (actif) de l’autre le récepteur (passif). Si le récepteur devient actif, il zappe, il s’en va, il refuse, c’est mort.
- Le message est figé, tout entier dans un package, on le contrôle au départ et à l’arrivée, comme un colis. Si le destinataire le dépèce en route, le consomme, le modifie, on fait quoi?
- Le canal de diffusion est un média de flux, il arrose des cibles à partir d’une source unique, un grand nombre de cibles, passives. C’est un modèle de push, on pousse le message dans les tuyaux. S’il n’y a pas de source unique mais un réseau, si les acteurs fonctionnent en push et en pull, mais aussi en delete, ça ne marche plus.
La communication publicitaire fonctionne sur le principe du résultat. Elle se représente l’objectif idéal auquel elle voudrait parvenir : que le message soit reçu à 100%, et sans déformation.
Voici maintenant les critiques principales:
- Jamais un message n’est reçu à 100%. On a beau faire des pré-tests et des pos-tests, ça n’y change rien, et tant mieux. Sinon, cela voudrait dire qu’on a affaire à des individus totalement lobotomisés.
- Une communication publicitaire réussie produit une variation de comportement de..combien? 5%? 10% Vu les sommes engagées, on peut se demander si tout cela est bien raisonnable.
- L’effet n’est obtenu que si la cible ne peut pas répondre, comme dans les médias de flux. On ne répond pas à sa TV. Avec les médias interactifs, c’est fini. L'émetteur n’a plus le pouvoir absolu. Pour tout message qu’il propose, il y aura des commentaires, des contradictions, des forums, des contre-messages.
Et l’écologie de l’information?
- Parce qu'elle fonctionne en écosystème, elle intègre les destinataires dans le processus de réflexion, de conception et de diffusion des messages. Elle ne se rève pas toute puissante. Elle partage.
- Elle s'intéresse au processus plutôt qu’au résultat. Elle se fiche complètement qu’un “message” soit reçu à 80% ou 100%. ce qui l’intéresse c’est la transformation opérée dans la réalité. Les messages ne sont qu’un moyen. La relation que les consommateurs peuvent avoir avec un produit ou une marque, la relation que la marque entretient avec ses clients compte plus que la mémorisation du dernier slogan.
- Elle ne fonctionne pas sur le modèle du push : je lance une campagne et je matraque jusqu’à ce que le clou soit enfoncé. Elle met en route un processus et l’accompagne. C’est un processus de co-construction, d’échange. C’est une dynamique vivante. Donc capable de s’adapter en temp réel aux changements de l’environnement.
S’agit-il encore de publicité? Ben non. Et pourtant il y a bien utilisation de techniques rédactionnellles, graphiques, photographiques, cinématographiques, numériques, tout ce que les communicants savent faire. C’est la manière d’utiliser ces techniques qui change.