Communiquer en écosystème
6 Novembre 2011
L’écologie de l’information suppose de gérer intelligemment les ressources. Le moins qu’on puisse dire est qu’on en est loin. Entre ceux qui les moyens de se goinfrer de communication et ceux qui n’ont accès à rien, les différences se sont creusées. D’un côté les affamés de l’information et de l’autre les obèses gavés. Alors que le monde de la communication paraissait sans limites, on n’arrive plus aujourd'hui à y faire sa place. Que s’est-il passé? Comment communiquer autrement ? Comment anti-communiquer?
Voilà des décennies que les entreprises et les professionnels ont suivi les gourous de la communication qui les incitaient à multiplier les messages. Communiquez ! Ils l’ont fait. Au début, quand ils n’étaient que quelques uns, cela se passait bien. Ceux qui communiquaient bénéficiaient d’un avantage énorme sur ceux qui ne le faisaient pas : ils se faisaient connaître rapidement, gagnaient des parts de marché, imposaient leur point de vue. Aujourd’hui un urbain français est bombardé de 500 à 2000 messages publicitaires par jour. A ce niveau là, presque plus aucun message n’est efficace, il ne reste que le bruit. Les espaces communicationnels sont saturés. S’y faire remarquer coûte de plus en plus cher (+50% sur 10 ans pour la TV) pour une audience de plus en plus faible (-50% sur 10 ans pour la pub TV).
La communication, c’est un travail de professionnels, ça s’apprend. Voilà bien une autre partie du problème. A force d’utiliser les mêmes méthodes, les professionnels produisent les mêmes messages, tirent sur les mêmes grosses ficelles, les ficelles s’usent et le public aussi. De plus en plus difficile de susciter l’intérêt. De plus en plus difficile d’entraîner l’adhésion. Pour 76% des gens, les marques ne disent pas la vérité. Même les politiques n’arrivent pas à un score aussi bas. Ce n’est pas seulement le nombre de messages qui pose problème, c’est leur nature, ils sont peu crédibles et peu différenciés.
Paradoxalement, comme conséquence de cette saturation, ceux qui n’ont rien à dire, ceux qui contribuent à la monotonie, mobilisent les réseaux de communication, parce qu’ils en ont les moyens, parce qu’ils sont en situation dominante. Et ceux qui présentent de la différence n’arrivent plus à se frayer un chemin dans le bruit. La communication ne joue plus son rôle de : faire connaître le nouveau, c’est à dire 'informer'. Elle est utilisée au contraire pour sauvegarder les positions acquises.
Sauf que cela ne marche pas. L’injonction des gourous pousse les communicants à rechercher le grand public, les grands médias, la presse généraliste, à saturer toujours plus les canaux. Mais les utilisateurs ne se laissent pas faire. Ils ont développé au moins deux sortes de contre-attaques.
1 L’indifférence. Les messages ne mordent plus, n’accrochent plus. Plus rien n’étonne, plus rien ne retient l’attention. Les effets sont de plus en plus délétères et pas seulement pour la publicité commerciale. Mais aussi pour les campagnes de prévention contre le SIDA ou de lutte anti-tabagisme.
2 L’évitement. Il y a longtemps que le téléspectateur a appris à zapper les pubs. Aujourd’hui, il met des anti-spams sur sa boîte mail, des autocollants sur sa boîte aux lettre pour éviter la distribution de dépliants. Et il ne va pas accepter longtemps les publicités intrusives sur le net, les pop-ups.
Et pourtant. Les professionnels ont bel et bien besoin de communiquer. Mais pas comme ça. Et les destinataires peuvent tout à fait être intéressés par ces messages. Mais pas n’importe lesquels. C’est une forme d’anti-communication qu’il faut inventer, une approche de la communication qui prenne le contre-pied de ce qui existe. Il y a plusieurs clés à mettre en oeuvre, mais la première, c’est :
CLE N° 1 : La stratégie du silence
La où la communication traditionnelle gaspille les ressources, sature les canaux et pollue les espaces, il faut commencer par recréer du silence.
1 Apprendre à se taire. Renoncer à cette envie de communiquer à tout propos, de passer dans le journal, à la TV, faire parler de soi sans se préoccuper de savoir si cela intéresse les gens. Organiser la rareté. Ne pas déranger le public pour rien.
2 Faire le tri. Eliminer de sa communication toutes les actions qui ne servent à rien dans l’espace où elles se situent. Tout ce qu’on fait parce que les autres le font. Parce qu’on vous sollicite pour le faire. Ou pour tout un tas de mauvaises raisons.
3 Organiser des espaces de silence. Un plan de communication, c’est fait d’une suite ininterrompue d’actions. Dommage! Dans une réunion, ce n’est pas celui qui parle le plus qui aura marqué les esprits. Mais celui qui n’interviendra que pour dire des choses essentielles. Et qui ne prendra la parole que quand le silence s’est fait.
Pierre Gandonnière
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