Communiquer en écosystème
4 Mars 2011
Depuis des décennies on enseigne aux communiquants à fonctionner sur le modèle :
Emetteur → Message→ Récepteur.
On a beau rajouter la boucle de rétro-action, le feed back, pour tenter de se convaincre que l’interlocuteur est bien là, quelque part, et qu’on règle l'émission en fonction de lui, le compte n’y est pas. Le destinataire ne peut pas être : juste un réglage.
Depuis des décennies la publicité s’adresse à son public comme à des cibles qu’il faut bombarder de messages pour obtenir un effet, qu’on mesure. Et plus l’impact est important et plus la communication est réussie. Ainsi la progression de la malbouffe, la gadgétisation du monde, la marchandisation du vivant, le culte de l’éphémère, la course à l’obsolescence peuvent-elles être considérées comme le résultat de communications réussies. On ne peut pas se contenter de mesurer les effets d’une communication en fonction des bénéfices qu’en retire l’émetteur. Les dégâts collatéraux sur les personnes et sur l'environnement doivent aussi être pris en compte. Le destinataire ne peut pas être : juste une cible
Les réflexions sur les pratiques commerciales ont conduit à poser les principes d’un commerce équitable, à définir des règles d’échanges qui ne soient pas seulement à l’avantage du plus fort, mais qui s’équilibrent entre les deux parties. D’un côté des bénéfices commerciaux, de l’autre la garantie d’une juste rémunération du travail + des marges de manoeuvre permettant au producteur d’assurer son propre développement et les conditions d’une vie décente.
Et pour la communication, rien? Les producteurs de communication vont-ils continuer à régner en maître sur le domaine en ne s’intéressant à leurs interlocuteurs que pour ce qui sert leurs intérêts à court terme? Réduction du citoyen à l’état de consommateur, confisquation des aspirations humaines au profit de la seule pulsion d’achat, modélisation de toutes relations sur le schéma : fournisseur-consommateur. Même dans le monde associatif? Même dans le monde de l’éducation, dans le monde de la santé? Même dans la politique, qui en meurt ?
Il y a mieux à faire avec la communication.
Les médias sociaux développent déjà de nouvelles pratiques. Sur un mode plus interactif, les rôles y sont interchangeables : producteur, transformateur, distributeur, consommateur, recycleur. Sur un mode plus équilibré, autour d’une nouvelle éthique : personne ne s’impose, on cherche à se faire accepter. Sur un mode plus social au sens de “société : on pense “communauté”, “réseau”.
Est-il possible de jeter les bases d’une communication équitable? De trouver de nouvelles pratiques en entreprise et en société qui permette à la communication d’être partagée au lieu d’être confisquée?
Les médias non-finis comme l’internet permettent de contourner les systèmes oligarchiques qui ont mis la main sur les médias traditionnels. Ils ouvrent de nouveaux espaces de liberté à défricher, de nouvelles civilisations à construire. Une nouvelle communication à inventer.
Une communication basée sur des principes comme :
1. Primum non nocere. C’est le premier principe de la médecine : d’abord ne pas nuire. Etre responsable de sa communication, des conséquences qu’elle engendre, s’assurer qu’elle ne porte pas préjudice au destinataire.
2. Principe d’écoute. Il découle du premier. L’intérêt du “client-demandeur” n’est pas la seule variable à prendre en compte même si c’est lui qui paie. L’intérêt du destinataire est aussi important, pas de communication qui ne vise à satisfaire ses besoins en communication. Ses besoins vrais, ceux qu’il exprime librement. Pas ceux qu’on lui prête. Ecouter celui à qui on veut s’adresser d’abord.
3. Principe de générosité. C’est une règle ancestrale, tout commerce, et donc toute communication, commence par des offrandes. Une grande partie de ce qui se communique doit être mis à disposition gratuitement. Il faut nourrir la machine à communiquer. Le payant finance le gratuit. Le “marchand” n’est qu’une partie de l’ensemble. Il ne cherche pas à tout envahir.
4. Principe de co-production. Avec les médias interactifs, produire la communication d’un seul côté n’a pas de sens, c’est même un abus de pouvoir, une tentative de sujétion, de domination. Les processus coopératifs permettent d’adapter la communication chemin faisant, en prenant en compte au fur et à mesure le point de vue de l’autre. Grâce à eux, on peut parvenir à une relation de communication équilibrée.
5. Principe d’équité. Chacun doit trouver son compte au final. Ce que l’un gagne ne doit pas être perdu par l’autre. Comme dans le commerce équitable, il faut redéfinir les termes de l’échange. En quoi la participation de l’acteur économique contribue-t-elle au développement de tous, et particulièrement de son client?
On ne peut pas se contenter de communiquer selon les principes de Madison Avenue, ni selon ceux des fils de pub des années 80, ni selon ceux du "marketing viral" qui porte trop bien son nom pour qu’on puisse se méprendre sur son compte. Ce sont de nouvelles pratiques, de nouvelles règles négociées avec le public et non plus imposées, une nouvelle éthique qu’il nous faut trouver.
Nous, les professionnels de la communication d’entreprise, de la publicité, de la communication dite “d’influence”, de la communication publique, de la communication politique, du monde des médias et même du journalisme.
Pierre Gandonnière
NB Ce texte est une première ébauche. Chacun est invité à participer à sa construction (corrections, remarques, ajustements, propositions, discussions).
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