Communiquer en écosystème
31 Mai 2011
Dans son dernier ouvrage Michel Hébert plaide pour un marketing intuitif, opportuniste, capable de réagir dans un temps très court à tous les changements du monde. Il soulève au moins 3 idées contestables.
1 Non ce n’est pas le temps court qu’il s’agit de reconstituer mais le temps long.
Le marketing était conçu pour bâtir des stratégies à long terme, c’est vrai. Par gros temps, il est aussi difficile à manoeuvre qu’un paquebot dans une baignoire, c’est vrai. Mais pour autant l’économie mondiale file aujourd’hui comme un train fou sans conducteur. Profits à court terme. Réactions à court terme. Est-ce que la solution réside dans l’illusion de vouloir courir plus vite que le vent? Bien sûr on a besoin de se libérer du carcan du marketing traditionnel. Besoin d’avoir des outils d’adaptation en temps réel. Mais ce qui manque le plus aux entreprises aujourd’hui, c’est de pouvoir penser à nouveau le temps long. Pas pour s’y enfermer. Pour pouvoir s’y projeter. Les grands entrepreneurs ont ceci en commun : ils ne le savaient pas mais ils sont allés quelque part. Il y avait une aiguille aimantée qui les attirait. Nous n'avons plus de temps sur lequel nous projeter pour inventer notre avenir. Nous avons perdu l’an 2000 qui nous servait d’horizon jusqu’à la fin du 20ème siècle.
2. Non l’internet n’est pas un eldorado.
Bien sûr, Michel Hebert ne le dit pas. Mais comme d’autres il regarde du côté des réseaux sociaux, de l’utilisation des TIC, des nouvelles façons de communiquer. Et il ne veut voir que le bon. Pourtant à y regarder de près, ce n’est pas l’avenir qu’on y invente, mais le pire passé qu’on réveille. L’internet est une jungle de la communication. La publicité intrusive y règne en maître, le marketing agressif aussi. Le pillage de la vie privée les accompagne. Combien de temps va-til falloir pour que tous ces beaux professionnels arrivent à se faire détester tellement qu’on érigera de nouvelles barrières, de nouvelles réglementations pour cadenasser ce qui furent des espaces de liberté? Facebook devient la plus grande dictature du monde virtuel. Loin le temps où on pouvait y faire à peu près n’importe quoi. Aujourd’hui un profil peut être condamné à mort et exécuté, sans qu’il y ait eu procès, qu’on ait pu se défendre ni même qu’on connaisse les charges retenues contre soi. Flingué par un algorithme aveugle. Où allons nous réinventer de nouvelles pratiques de la communication pour ces citoyens-consommateurs avides de “relations sincères”?
3 Y’a-til moyen de faire autre chose que la guerre?
Passer de la guerre à la guerilla, pas sûr que ce soit un progrès. Ce serait le temps des snipers, de mines antipersonnelles, des embuscades, des coupe-jarrets. L’espérance de vie de chacun dans un tel monde se raccourcit salement. C’est une chose de constater qu’un mouvement va dans cette direction, une autre de l’accepter comme inéluctable. La guerre de tous contre tous représente un formidable gaspillage d'énergie, de productions de plus en plus éphémères, d’entreprises ouvertes puis fermées, délocalisées puis relocalisées. Un terrible gâchis humain aussi. Et si on bâtissait des stratégies sur autre chose que la guerre? Le principe de compétition-coopération, par exemple (voir épisode 3).
4. Y'a-til encore des modèles de réussite?
Universal? Mais le monde de l’édition musicale paye justement le prix de son indadaptation, c’est le contre-exemple parfait. Au lieu de rester branché sur ce qui bouge dans le monde de la musique il s’est soumis aux règne du marketing. Ce qui coûte de plus en plus cher le plus cher ce n’est pas la fabrication du disque mais les efforts qu’on fait pour vendre au public des produits dont il n’a pas envie. Voilà pourquoi il a voulu la loi Hadopi. Pas pour protéger les droits d’auteurs, cela ne représente que 7% du prix d’un CD. Pour protéger les droits des majors à contrôler le marché. Et Microsoft, n’est-ce pas un modèle monopolistique? Et PSA? Voilà une entreprise qui a bénéficié de subsides publics pour faire face à la crise. Mais dans la même temps elle reste ancrée dans une stratégie du XXè siècle. Elle mise encore sur le 4X4 pour assurer son développement, et elle n’est toujours pas prête pour les hybrides et les électriques. Les chinois et les japonais le sont. Il n’y a pas de modèle pour demain ni pour aujourd’hui. Tous les modèles parlent d’hier.
5.Silence !
Paradoxalement, la principale conclusion qu’on puisse tirer du livre de Michel Hébert ce n’est pas qu’il faut communiquer davantage mais qu’il faut ré-apprendre à écouter. Les agences de “communication” devraient devenir des agences d’écoute. La communication triomphante des années 80 autour du mot d’ordre “Communiquez !” est en train de se retourner comme une crêpe. Dans le bruit ambiant on ‘arrive plus à entendre ce que le public veut dire. La force des communicants de demain sera peut-être dans leur capacité à savoir se taire.
Pierre Gandonnière
Lire aussi “Michel Hébert et le marketing de l’imprévisible -Episode 1”
A suivre Episode 3
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