Communiquer en écosystème
30 Juillet 2019
Deux évènements d’actualité viennent titiller le communicant en réseau : l’affaire de Rugy et l’accident de train d’Avenay Val d’Or. Dans un cas, des révélations journalistiques obligent un ministre à démissionner. Dans l’autre une communication de crise à bas bruit, parfaitement rodée, se met en place... au cas où.
Un ministre démissionne
François de Rugy lui-même le confie dans un communiqué : “ je ne suis pas en mesure d’assumer sereinement et efficacement (ma) mission”. C’est le bruit médiatique plus que l’affaire elle-même qui ont rendu sa situation intenable. C’est à dire les “miroirs déformants” que forment les médias. Non pas qu’ils mentent, mais ils grossissent, accentuent, débordent des cadres. A partir de l’article initial, un premier phénomène s’opère, une amplification : tous les médias reprennent en boucle. Puis un deuxième : une contamination ; beaucoup de journalistes se mettent à chercher au même endroit et trouvent des “affaires” à leur tour. Se rajoute à cela la résonance des réseaux sociaux qui font monter le volume. Et les cercles politiques amis ou adverses qui s’en emparent pour instrumentaliser le jeu. Face à cela, un homme. Pas prêt. Pas du tout. Il ne dispose manifestement pas de cellule de crise prête à fonctionner. Pas d’écosystème intérieur, donc. Et pas d’écosystème extérieur non plus qui puisse monter en première ligne pour le soutenir. Ni dans le monde politique : il n’est pas membre de LaReM, et il ne l’est plus de EELV. C’est même de ces côtés que les coups les plus durs vont arriver. Ni dans le monde médiatique où la place qu’occupe son épouse (journaliste à Gala) qui ne lui donne pas grande prise sur la presse politique. Les miroirs déformants sont des loupes à travers lesquelles les écosystèmes regardent la réalité et se fabriquent leurs vérités internes. Ils ont tendance à se stabiliser rapidement autour d’un seul et même récit et à écarter tout ce qui entre en contradiction. Une vérité bâtie à coups d’images fortes, contre lesquelles se débat un homme seul.
La SNCF se met en veille
Dans l’accident de train d’Avenay Val d’Or, la SNCF n’est pour l’instant pas mise en cause (17/07/2019). Mais ça pourrait venir, on pourrait découvrir une défaillance technique ou une erreur humaine de ses personnels. L’entreprise publique se tient prête parce qu’elle connaît bien la communication de crise. Elle fait monter face aux médias, Patrick Jeantet, pdg de SNCF Réseaux, successeur possible de Guillaume Pepy. Il répond aux questions mais reste en retrait. Sa seule communication officielle est adressée aux victimes dans un bref communiqué du 15 juillet. Et face à la presse il avance un pion : la barrière enfoncée qui laisse entendre la responsabilité possible de la conductrice de la voiture. Il respecte une règle impérative en cas de crise : occuper le terrain en premier. Il existe pourtant une voix dissonante : celle d’un témoin qui parle de dysfonctionnement de la barrière. Voix faible. La SNCF ne relance pas, n’entre pas dans la contradiction. A tout moment, la SNCF peut se retrouver prise pour cible par des réseaux extérieurs : médias, pouvoirs publics, justice, associations. Ou internes : fuite d’informations gênantes, ouverture d’un conflit interne par les syndicats. Quelle que soit l’issue de l’accident d’Avenay Val d’Or, elle est prête à agir (et surtout pas à sur-réagir). Ses écosystèmes sont mobilisés, en position : veille.
La caractéristique d’une crise, c’est qu’elle déborde des capacités de traitement d’une structure. Une bonne communication peut permettre de limiter les dégâts, comme par exemple d’éviter de capituler alors que la partie n’est pas forcément perdue. Les écosystèmes permettent de mieux agir car :
Plus les écosystèmes sont cohérents, uniformes, monochromes, plus ils produisent de miroir déformant. Plus ils sont divers, ouverts, connectés, plus ils permettent de lutter contre l'effet déformant.
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