(Non il n'y a pas d'erreur dans le titre, "débilité" veut dire : extrême faiblesse)
L'étude de crédibilité des médias vient de tomber. Un travail piloté chaque année par La Croix-TNS Sofrès. Les tendances lourdes s'accentuent, la TV s'enfonce, la radio se maintient, la presse meurt lentement mais en bonne santé, l'internet progresse. Mais avant d'examiner les résultats, quatre remarques préalables.
1. On se demande bien comment les enquêtés font pour répondre à la question "les choses se sont passées vraiment ou à peu près comme les journaux/ la TV/ la radio/ l'internet le raconte". Ils étaient sur place? Ils peuvent témoigner? Non. Ils se contentent d'un ressenti. Une impression. C'est une simple mesure de confiance.
2. La question sur l'internet ne veut pas dire grand chose. C'est quoi, l'internet? On y consomme des journaux en ligne, mais aussi des blogs, de témoignages directs, des forums, des plateformes vidéo, des sites institutionnels, des encyclopédies en ligne...etc. Comment mettre tout cela sur le même plan? On ne peut pas établir de comparaison directe avec les autres médias.
3. C'est quoi "les journaux"? On pose la question comme si on était avant l'internet. Aujourd'hui tous les "journaux" qui existent en format print ont leur "avatar", leur version web, sous la même marque. Dès lors quand on pose la rubrique "journaux" dans un sondage, est-on sûr que les gens pensent "journaux papiers" et qu'ils distinguent rigoureusement "Libération Quotidien papier" et "www.liberation.fr" ? Et si ce n'est pas le cas, comparer les résultats de 2010 à ceux de 1987 (début du baromètre) est largement abusif.
4. Un des paradoxes de ce baromêtre est qu'on demande à des sondés de s'exprimer sur des médias dont ils ne sont pas consommateurs. Si 80% de l'échantillon se déclare client de la télévision pour ce qui est de l'information nationale et internationale, ils ne sont que 37% à consommer du journal papier, cela n'empêche pas 100%de l'échantillon de se prononcer sur son degré de confiance dans la presse print.
Il est temps maintenant de se pencher sur l'enquête de janvier 2010. Voici quelques observations plutôt déroutantes.
Derrière les grandes déclarations de satisfecit, en fait les résultats de confiance sont mauvais et inquiétants. Dans chaque média on se trouve des raisons de se réconforter pour ne pas voir cette évidence. On se dit qu'on ne s'en tire pas si mal. Et puis on s'est tellement habitué à la catastrophe qu'on ne la voit plus.Mais enfin, la quasi totalité des médias sont généralement et durablement en dessous de la moyenne. Seule la radio passe régulièrement la barre des 50% et s'y maintient d'année en année (60% en 2010). La presse écrite (N°2), culmine à 55 en 2010 mais ses scores sont en dessous de 50 dans les deux tiers des cas depuis 1987. La TV (N°3° n'est pas repassée dans le bleu depuis 2001 et son déclin se poursuit depuis 15 ans. Le public se montre désabusé. Et critique.
Les médias interactifs s'en tirent mieux que les autres. La radio parce que son indice de confiance est majoritaire, l'internet parce que, bien qu'encore minoritaire, il continue de grimper fortement 23% en 2003, 35 en 2010, malgré la remarque N°2 plus haut. Dans les deux médias, les journalistes s'expriment sous le regard de leur public. La moindre erreur, inexactitude, approximation, explication tendancieuse, est immédiatement sanctionnée. A l'inverse, les médias les plus en difficulté sont aussi les plus didactiques, les plus sûr d'eux. Ils fonctionnent en mode push, en communication unilatérale, sans contestations possible. On assiste d'ailleurs à une culture divergente à l'intérieur des journaux entre les rédactions web, qui apprennent à travailler en interaction avec leur public, et les rédactions print, qui ont bien du mal à sortir de leur position d'autorité, ex cathedra, celle-là même qui est contestée.
La TV plombe les scores. Malgré sa chute de crédibilité la télévision reste la source d'information N°1 de la majorité des sondés (57%, 2,5 Fois plus que le N°2 la radio). On peut donc en déduire qu'elle est la principale responsable de la dégradation de l'image du journalisme, parce qu'elle en est la partie la plus visible. Et comme, dans le monde médiatique issu du XXème siècle, elle est le média qui mène la danse, c'est elle qui impose l'agenda setting, les thèmes, les images qui vont caractériser les évènements, les autres médias ont tendance à se caler sur elle, à se déformer en fonction d'elle. Elle déforme l'ensemble du champ journalistique.
Le politique est ressenti comme le principal ennemi de l'indépendance des journalistes, 66% des sondés estiment que les journalistes ne sont pas indépendants des pouvoir politiques. Là encore, l'effet télévision doit être déterminant. C'est à la télévision que se sacralisent les interviews de 3 minutes, où il ne peut pas y avoir aucune véritable prise en main de l'invité. La TV est le média de représentation où l'on vient se montrer et passer ses propres messages, mais pas un lieu d'information contradictoire à propos du politique. Tout ce qui apparaît comme une mise une scène du politique dans le média renforce donc ce ressenti d'une collusion être les deux mondes, d'une complaisance.
C'est la crédibilité de l'internaute qui monte. De 2005 à 200 la confiance dans l'internet a grimpé de 23 à 35%. Presque doublé. Aucun autre média ne fait ça. Soyons clair : est-ce parce que pendant cette période période, la fiabilité de l'information s'est améliorée. Je n'en crois rien. Il m'a semble au contraire que l'invasion de rumeurs, bad buz, ragots incontrôlés, pures falsifications et approximations douteuses a continué tambour battant. En 2005 l'internet la foirefouille de l'information. Aujourd'hui, c'est pire. Ce qui a changé c'est la compétence des internautes qui sont de plus en plus nombreux et s'approprient ce média. Ce sont eux qui savent de mieux en mieux trouver l'information fiable dont ils ont besoin.
Trois Conclusions provisoires
1. Le baromètre est bon pour le recyclage. On comprend bien que le sondeur le conserve à l'identique, s'il en changeait quelque chose, on ne pourrait plus comparer les résultats d'une année sur l'autre. Mais Il ne correspond plus à la réalité du monde médiatique. De la même manière que les mesure d'audience par médiamétrie ne veulent plus rien dire à l'heure où l'on peut regarder la TV en différé, en VOD, en podcasting, en streaming sur on e-phone, sur internet....
2. Nous sortons de l'ère des médias pour aller vers l'ère des producteurs d'info. Ca n'a plus d'importance que les contenus soient diffusés sur papier bientôt sur i-Pad?) ou sur internet, ni même par texte, vidéos, son, TV, radio, écrit. la crédibilité des médias va de plus dépendre de la marque du producteur et non pas du mode de diffusion. Il faut travailler aujourd'hui sur la crédibilité de la marque : Libération, Le Monde, Bakchich, Rue89, Fance Télévision.....TF1? Les marque devront être capables de produire en plurimédia sans pour autant posséder leur canal.
3. Vive l'hyperjournalisme ! Dès qu'elle aura compris qu'il se passe quelque chose à la fois inquiétant et passionnant, la profession commencera à se réinventer vers une pratique de l'hyperjournalisme, travaillant avec son public autant que pour lui, dans des espaces, des canaux de diffusion et de temporalités différentes. Ce jour-là, elle regagnera des points de crédibilité auprès de ce public-participant.